Le lit de ma mère lorsqu’elle était enfant, 2022, bois de sapin récupéré, cannage de rotin naturel, coton, paille, chapelets colombiens, tête de lit (90  x 45 x 34 cm), lit (190 x 90 x 45), matelas (190 x 77 x 15),  vue de l’exposition Terminus Mutations, curatée par Cédric Fauq, crédits photo J-C Lett, Centre d’Art de la Villa Arson, Nice (FR).

On entre dans le travail de Carlota Sandoval Lizarralde par le seuil d’une porte toujours ouverte. Cet espace transitoire, chargé de ce qui était et de ce qui sera, nous met face à l’épreuve de la migration. Colombienne et résidant en France depuis bientôt dix ans, le déchirement de la rupture avec sa famille l’a portée vers la redécouverte de ses origines. Son travail prend essence dans cette nouvelle identité hybride, oscillant entre ses origines colombiennes et son présent en Occident. L’artiste rapporte de ses souvenirs des objets familiaux sur lesquels elle opère une réparation intime et minutieuse. Carlota sonde les abîmes de la séparation, qu’elle soit physique, émotionnelle ou spirituelle, et nous confronte à la fragilité de nos liens les plus chers. 

 L’œuvre Le lit de ma mère lorsqu'elle était enfant témoigne d’un double déchirement : tout d'abord celui de sa mère, contrainte de quitter sa ville natale Neiva en Colombie, en raison du conflit armé et des attaques des FARC (groupe de guérillas) dans les années 80, mais également du passage significatif de l'enfance à l'âge adulte. L'enfance est souvent perçue comme une période d'innocence et de sécurité, où les liens familiaux sont profonds et inébranlables. Carlota Sandoval Lizarralde a imaginé ce lit comme une offrande et une manière de restituer à sa mère son enfance volée. Il est la représentation d'une période historique importante en Colombie, d'un conflit qui perdure depuis les années 60 et qui a laissé des répercussions sur plusieurs générations. L'artiste est partie des souvenirs transmis par sa mère et sa grand-mère, pour reconstituer l'image qu'elle s'en faisait. 

 Sur ce lit chargé du récit de trois générations de femmes, l’artiste vient coudre la fissure marquante de cette expérience traumatique. C’est de ses mains, qu’elle explore la douleur et la perte dans une méditation profonde sur la résilience et la transformation. Elle nous rappelle alors que les séparations peuvent aussi être un catalyseur de croissance et de renouveau. 

Dans cette installation, les visiteur·euses sont invité·es à se déplacer autour de l'œuvre, découvrant alors une collection de chapelets que l’artiste a commencée lors de son arrivée en France. Ils témoignent de la traversée d’un océan, d’un déplacement, d’une trajectoire.

S’offrant comme une intimité non dissimulée, l'installation de Carlota Sandoval Lizarralde nous invite sur le chemin d'une réparation salvatrice, où l'épreuve de la rupture se voit être un point de départ important pour appréhender la profondeur de nos existences. 

- Salomé Fau

 

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